La Dispute - Scène 13

MESRIN, AZOR.

MESRIN.
Une couleur ni noire ni blanche, une figure toute droite, une bouche qui parle… où pourrais-je la trouver ? (Voyant Azor.) Mais j’aperçois quelqu’un ; c’est une personne comme moi ; serait-ce Églé ? Non, car elle n’est point difforme.

AZOR.
Vous êtes pareil à moi, ce me semble ?

MESRIN.
C’est ce que je pensais.

AZOR.
Vous êtes donc un homme ?

MESRIN.
On m’a dit que oui.

AZOR.
On m’en a dit de moi tout autant.

MESRIN.
On vous a dit ? est-ce que vous connaissez des personnes ?

AZOR.
Oh ! oui, je les connais toutes, deux noires et une blanche.

MESRIN.
Moi, c’est la même chose ; d’où venez-vous ?

AZOR.
Du monde.

MESRIN.
Est-ce du mien ?

AZOR.
Ah ! je n’en sais rien, car il y en a tant !

MESRIN.
Qu’importe ? Votre mine me convient ; mettez votre main dans la mienne, il faut nous aimer.

AZOR.
Oui-dà, vous me réjouissez ; je me plais à vous voir, sans que vous ayez des charmes.

MESRIN.
Ni vous non plus ; je ne me soucie pas de vous ; seulement que vous êtes bonhomme.

AZOR.
Voilà ce que c’est ; je vous trouve de même un bon camarade, moi un autre bon camarade ; je me moque du visage.

MESRIN.
Eh ! quoi donc ! c’est par la bonne humeur que je vous regarde. À propos, prenez-vous vos repas ?

AZOR.
Tous les jours.

MESRIN.
Eh bien ! je les prends aussi ; prenons-les ensemble pour notre divertissement, afin de nous tenir gaillards ; allons, ce sera pour tantôt ; nous rirons, nous sauterons, n’est-il pas vrai ? J’en saute déjà.

AZOR.
Moi de même, et nous serons deux, peut-être quatre ; car je le dirai à ma blanche qui a un visage, il faut voir ! ah ! ah ! c’est elle qui en a un qui vaut mieux que nous deux.

MESRIN.
Oh ! je le crois, camarade ; car vous n’êtes rien du tout, ni moi non plus, auprès d’une mine que je connais, que nous mettrons avec nous, qui me transporte, et qui a des mains si douces, si blanches, qu’elle me laisse tant baiser !

AZOR.
Des mains, camarade ? Est-ce que ma blanche n’en a pas aussi qui sont célestes, et que je caresse tant qu’il me plaît ? Je les attends.

MESRIN.
Tant mieux ; je viens de quitter les miennes, et il faut que je vous quitte aussi pour une petite affaire. Restez ici jusqu’à ce que je revienne avec mon Adine, et sautons encore pour nous réjouir de l’heureuse rencontre. (Il sautent tous les deux en riant.) Ah ! ah ! ah !

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